Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 45e Législature
Volume 154, Numéro 7
Le jeudi 5 juin 2025
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le jeudi 5 juin 2025
La séance est ouverte à 13 h 30, la Présidente étant au fauteuil.
Prière.
Déclaration de la présidence
Son Honneur la Présidente : J’ai les résultats du vote pour l’élection à la présidence intérimaire. Conformément à l’article 2-4(1) du Règlement, j’ai le plaisir de vous annoncer que l’honorable René Cormier est le nouveau Président intérimaire.
Je suis certaine que vous vous joindrez à moi pour le féliciter et lui souhaiter bon succès dans ses nouvelles fonctions.
Je voudrais également profiter de l’occasion pour remercier chaleureusement l’honorable sénatrice Ringuette qui a occupé cette fonction depuis décembre 2020. Son professionnalisme et son engagement ont été grandement appréciés et je tiens à souligner l’importance de sa contribution tout au long de son mandat.
La présidence intérimaire du Sénat
Remerciements
L’honorable René Cormier : J’aimerais profiter de l’occasion pour remercier mes chers collègues de la confiance qu’ils m’accordent en m’élisant à cette importante fonction.
[Traduction]
Chers collègues, je vous remercie de votre confiance. Je vous assure que je m’acquitterai de cette tâche avec rigueur et énergie. En tant que législateurs, nous avons la responsabilité de procéder à un second examen objectif de toutes les questions dont nous sommes saisis. Par conséquent, lorsque je siégerai à la présidence, je veillerai à ce que nos délibérations soient menées de manière à servir les intérêts de vous tous.
[Français]
J’aimerais terminer en remerciant sincèrement la sénatrice Ringuette de son dévouement remarquable et lui témoigner ma reconnaissance indéfectible.
[Traduction]
Les travaux du Sénat
Adoption de la motion tendant à prolonger la durée des déclarations de sénateurs
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant toute disposition du Règlement, je propose que, pour la séance d’aujourd’hui, les déclarations de sénateurs soient prolongées de trois minutes.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le décès de l’honorable Marc Garneau, c.p., C.C.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, c’est avec une profonde tristesse que je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à la vie et à l’héritage de l’honorable Marc Garneau.
[Français]
Honorables sénateurs, comme plusieurs d’entre vous le savent, Marc Garneau a consacré sa vie à servir notre pays. Il était diplômé du Collège militaire royal du Canada et titulaire d’un doctorat en génie électrique du collège Imperial de science et technologie de Londres, qu’il a obtenu en 1973. Marc Garneau a ensuite entamé sa carrière d’officier de marine, d’abord en tant qu’ingénieur, puis en tant qu’instructeur. Quelques années à peine après s’être enrôlé dans la marine, Marc est promu commandant au Collège de commandement et d’état-major de l’Armée canadienne. Il n’y restera cependant que brièvement, car il est rapidement renvoyé à Ottawa et sélectionné pour devenir l’un des six premiers astronautes canadiens.
[Traduction]
Après avoir terminé sa formation d’astronaute, Marc Garneau est entré dans l’histoire en devenant le premier astronaute canadien à aller dans l’espace en tant que spécialiste de charges utiles lors de la mission STS-41G. Après avoir occupé les postes de directeur adjoint du Programme des astronautes canadiens et d’agent de liaison « capcom » au centre de contrôle de mission durant les missions spatiales, M. Garneau a effectué ses deuxième et troisième missions spatiales et cumulé plus de 677 heures dans l’espace.
Alors que beaucoup se seraient reposés sur leurs lauriers, Il a continué à servir son pays en tant que président de l’Agence spatiale canadienne, puis en représentant sa circonscription en tant que député de Notre-Dame-de-Grâce—Westmount pendant 15 ans. Il a été mon député pendant cette période.
[Français]
Au cours de sa carrière politique, Marc Garneau a été ministre des Affaires étrangères et ministre des Transports. Dans le cadre de ses fonctions, il a présenté plusieurs textes législatifs importants et a contribué à les faire adopter, notamment la Déclaration des droits des passagers aériens, l’initiative Pour un ciel plus sûr et le Plan de protection des océans. Ces textes continueront sans aucun doute à améliorer la vie au pays pour les décennies à venir.
[Traduction]
Je terminerai sur une note plus personnelle en disant que j’ai eu le privilège de connaître Marc et sa famille pendant de nombreuses années. Nous étions voisins sur la même rue à Westmount, à Montréal. Je tiens à présenter mes plus sincères condoléances à son épouse Pam, à sa famille et à ses nombreux amis durant cette période difficile. Ils ont eu la gentillesse de partager Marc avec nous tous pendant les nombreuses décennies qu’il a consacrées au service de notre pays. Je sais que l’héritage et les réalisations de Marc continueront d’inspirer des millions de Canadiens à vouloir atteindre les étoiles.
Merci, chers collègues.
Des voix : Bravo!
Le jour J et la bataille de Normandie
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, au nom du caucus conservateur, j’adresse mes condoléances à la famille de l’honorable Marc Garneau. C’était un grand Canadien qui se conduisait toujours comme un vrai gentleman au Parlement.
Honorables sénateurs, demain, le 6 juin, est une date gravée dans notre mémoire collective. C’est le 81e anniversaire du jour J et le début de l’opération Overlord. À l’aube du 6 juin 1944, des milliers de soldats ont traversé la Manche et débarqué sur les plages de Normandie, unis par une seule mission : vaincre le Troisième Reich et rétablir la liberté en Europe.
Parmi les 150 000 soldats alliés qui ont lancé l’assaut, plus de 14 000 étaient Canadiens. Ces jeunes hommes venus de tout le pays, dont beaucoup étaient à peine sortis de l’adolescence, ont répondu à l’appel du devoir avec un courage extraordinaire, et, ce jour-là, leurs noms ont été gravés à jamais dans l’histoire. Ils ont traversé l’océan pour libérer un territoire qu’ils n’avaient jamais vu au nom des valeurs qui leur étaient chères, soit la liberté et la démocratie.
(1340)
En débarquant sur les plages de la Normandie, ils savaient que chacun de leurs pas serait une victoire arrachée violemment, sous le feu mortel des MG42 et contre le mur fortifié de l’Atlantique. Ils ont néanmoins maintenu la ligne de front. Ils ont progressé, lentement et péniblement, payant de leur sang, de leur sueur et de leur courage, chaque mètre de terrain gagné. Dans cet enfer de feu et d’acier, ils ont relevé les blessés, porté les mourants et recueilli les armes tombées des mains de leurs camarades. Au cœur de cette violence s’est manifesté le meilleur de l’humanité : courage, solidarité et fraternité. Ce que ces hommes ont enduré dépasse l’imagination, mais leur humanité continue d’éclairer notre chemin. Des milliers d’entre eux ne sont jamais revenus. Leur sacrifice a été le prix de notre liberté et de la liberté des générations à venir.
En Normandie, le grondement de cette bataille résonne toujours dans le silence des tombes. Chaque pierre tombale nous rappelle ce que le Canada a donné pour redonner au monde sa liberté. Aujourd’hui, la guerre frappe à nouveau aux portes de l’Europe. Tandis que la Russie prépare une nouvelle offensive contre l’Ukraine, nous sommes solidaires du peuple ukrainien, qui incarne le même esprit de résistance que nos soldats l’ont fait pendant l’opération Overlord.
Le souvenir du jour J est plus qu’une commémoration. Il nous rappelle que la paix et la démocratie ne sont jamais garanties et qu’il faut les défendre à tout prix, même si ce prix est notre sang. Ce souvenir nous incite à soutenir ceux qui défendent leur souveraineté et à honorer, ici au Sénat, les soldats canadiens qui ont donné leur vie pour que nous puissions nous exprimer librement, aujourd’hui et tous les jours. À ceux qui servent le pays et à ceux qui ne sont jamais revenus, nous honorons votre sacrifice et vous sommes éternellement reconnaissants. N’oublions jamais.
Des voix : Bravo!
L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, demain marquera le 81e anniversaire du jour J, un point de bascule de la Seconde Guerre mondiale, un jour où le courage des Canadiens a changé le cours de l’histoire.
Le 6 juin 1944, plus de 14 000 Canadiens débarquaient sur la plage Juno, en Normandie. Les jeunes hommes du Regina Rifle Regiment, basé en Saskatchewan, qu’on appelle aujourd’hui le Royal Regina Rifles, comptaient parmi les premiers à atteindre le rivage. Comme bon nombre d’entre eux étaient des agriculteurs, on les surnommait affectueusement les « Farmer Johns », puis seulement les « Johns ». De combat en combat, leur fier cri de ralliement « Up the Johns! » est devenu l’un des plus célèbres de l’armée canadienne. Aujourd’hui, on dit également « Up the Johns! » quand on porte un toast à ceux qui ont servi au sein des Royal Regina Rifles pour souligner leur bravoure, leur courage et leur esprit de camaraderie.
Le régiment a débarqué sur Nan Green, la partie ouest de la plage Juno, où il s’est heurté à la résistance coriace des Allemands. Sous le commandement du lieutenant-colonel F.M. Matheson, environ 520 soldats ont progressé sous les tirs ennemis, détruit des positions fortifiées et combattu jusqu’à atteindre la ville de Courseulles-sur‑Mer.
Ils ne se sont cependant pas arrêtés là. Leur volonté de fer les a portés jusqu’à Reviers, puis jusqu’à Bretteville-l’Orgueilleuse — leur objectif final du jour J — le lendemain. Les Regina Rifles furent ainsi la seule unité alliée déployée le jour J à atteindre son objectif désigné et à le tenir.
Le 7 juin, dans ce petit village normand, ils ont repoussé une contre-attaque brutale de la 12e division blindée SS lors d’une bataille qui contribua à sécuriser la tête de pont alliée et l’avenir de l’opération Overlord. Mais ce succès a eu un coût élevé. Les Rifles payèrent un lourd tribut, avec 44 morts et 64 blessés rien que le jour J. Au cours des 55 jours de combats incessants qui suivirent, des centaines d’autres soldats ont été tués, blessés ou portés disparus au combat.
Sénateurs, l’héritage des Royal Regina Rifles perdure dans les livres d’histoire, dans une Europe libre, au sein des Forces armées canadiennes et dans nos cœurs. Il en va de même pour le courage et le sacrifice de tous les Canadiens qui ont servi pendant la Seconde Guerre mondiale.
Le courage des soldats, marins et aviateurs a façonné le monde d’aujourd’hui, repoussant le fléau nazi et préservant les libertés qui nous sont chères. Cependant, le prix qu’ils ont payé nous rappelle que la guerre exige toujours un lourd tribut : en sang, en souffrance et en vies changées à jamais.
Demain, et pour toujours, nous nous souviendrons d’eux. N’oublions jamais. Up the Johns!
Une voix : Up the Johns!
Des voix : Bravo!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de représentants militaires de chaque commandement des Forces armées canadiennes (marine, armée et aviation) et des services de santé des Forces canadiennes, qui sont ou ont été rattachés à des unités ayant participé au débarquement du jour J. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Patterson.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
Le jour J et la bataille de Normandie
L’honorable Rebecca Patterson : Honorables sénateurs, le 8 mai 2025, le Canada et le monde ont célébré le 80e anniversaire de la victoire en Europe contre le fascisme des nazis. Cette victoire n’aurait pas été possible sans les efforts des forces armées canadiennes, américaines et britanniques pendant la bataille de Normandie, soit l’invasion de la France par les Alliés.
[Traduction]
Le 6 juin 1944, qui est maintenant appelé le jour J, cinq plages françaises ont été le théâtre du plus grand débarquement amphibie de l’histoire, alors que les Alliés tentaient de percer le mur de l’Atlantique érigé par Hitler. C’est sur la plage Juno que les Canadiens ont pris les devants. Les combats se sont poursuivis pendant 12 semaines, dans le cadre de la bataille de Normandie, marquant le début de la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
Certains des navires, régiments et escadrons qui se sont lancés à corps perdu dans cette bataille sont représentés ici aujourd’hui par des membres des Forces armées canadiennes qui servent actuellement ou ont servi dans des unités dont l’histoire remonte à ce jour. Je souhaite attirer l’attention sur trois unités qui ont participé au jour J et qui ont aujourd’hui des liens avec Ottawa.
Le NCSM Ottawa, un destroyer de la Marine royale canadienne, a escorté les forces d’invasion lorsqu’elles ont traversé la Manche. Le NCSM Ottawa d’aujourd’hui, quatrième du nom, est une frégate de la classe Halifax qui sillonne toujours la planète pour soutenir l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, l’OTAN, ainsi que la diplomatie en Asie-Pacifique et la lutte contre le terrorisme.
En 1944, le NCSM Ottawa a très bien pu escorter des membres du régiment de mitrailleuses Cameron Highlanders of Ottawa (Duke of Edinburgh’s Own). Aujourd’hui, les Cameron sont un régiment d’infanterie qui entretient des liens étroits avec la ville d’Ottawa; les deux partagent la même devise : EN AVANT.
De plus, le 412e Escadron, qui faisait partie de la force aérienne tactique en ce jour fatidique, quadrillait le ciel afin d’intercepter les chasseurs et escorter les bombardiers alliés. De nos jours, le 412e Escadron transporte des dignitaires et offre des services d’évacuation médicale; il est basé ici même, à l’aéroport d’Ottawa.
Parlant d’évacuation médicale, je m’en voudrais de ne pas souligner les efforts incroyables des ambulanciers de campagne du Corps royal de santé de l’Armée canadienne, qui ont débarqué aux côtés des forces d’assaut pour donner les premiers secours aux blessés et récupérer les dépouilles sur la plage Juno alors que la bataille faisait rage autour d’eux.
Honorables sénateurs, nous gagnons le droit de porter le titre d’honorable quand nous sommes nommés au Sénat. Pourtant, il n’y a à mes yeux aucun geste plus honorable que celui d’offrir volontairement sa vie — son avenir — pour défendre quelque chose de plus grand que soi. C’est ce qu’un très grand nombre de nos compatriotes canadiens ont fait le jour J.
Le soldat Leslie Neufeld, de la Saskatchewan, était l’un d’eux. Dans la lettre qu’il a écrite à sa famille le 4 juin 1944, il dit ceci :
Nous savons très bien ce que nous avons à faire. Nous nous sommes entraînés pour nous battre dans toutes les conditions et dans toutes les circonstances. Nos chances sont plutôt bonnes [...] S’il devait m’arriver quelque chose, ne soyez ni tristes ni accablés, dites-vous plutôt que j’aurai servi mon pays jusqu’au bout.
Le soldat Neufeld est l’un des 359 Canadiens tués sur la plage Juno.
Souvenons-nous de leur sacrifice, mais souvenons-nous aussi que nous avons la responsabilité de défendre les valeurs pour lesquelles ils se sont battus, de prendre soin de ceux qui ont servi leur pays et qui continuent de le servir et de soutenir les familles qui portent le terrible poids de ce dévouement.
En cet anniversaire du jour J, puissions-nous renouveler notre détermination à honorer ce devoir. N’oublions jamais.
Des voix : Bravo!
London, en Ontario—Les victimes de la tragédie de Walkerton
L’honorable Marty Deacon : Je tiens d’abord à remercier mon collègue de m’avoir cédé son temps de parole aujourd’hui pour que je puisse faire une déclaration. Je lui suis très reconnaissante.
Honorables sénateurs, c’est le cœur très lourd que je prends la parole pour déplorer la perte de cinq jeunes porteurs d’avenir le vendredi 23 mai, dans un tragique accident de la route près de Dorchester, en périphérie de London. Ces cinq jeunes vivaient à Walkerton, une petite ville située à environ une heure et demie de là où j’habite, dans le Sud-Ouest de l’Ontario. Comme dans toutes les petites localités, il est difficile de trouver quelqu’un qui n’est pas douloureusement éprouvé par cet horrible accident.
(1350)
Les victimes sont Mat Eckert, un enseignant et un entraîneur fort apprécié, ainsi que les élèves Olivia Rourke, Rowan McLeod, Kaydance Ford et Danica Baker, des personnes exceptionnelles qui allaient à l’école communautaire du district de Walkerton. Dans une petite localité, la perte d’un seul membre de la communauté est un coup dur, mais dans ce cas-ci, cela dépasse l’entendement.
M. Eckert, qui avait à peine 33 ans, était aimé par ses collègues, ses élèves et les membres de l’équipe de crosse dont il était l’entraîneur, à Owen Sound. En classe, il avait la réputation de savoir susciter l’intérêt de ses élèves.
La famille d’Olivia, qui avait 17 ans, disait d’elle qu’elle était « la lumière de nos vies et une source infinie de gentillesse, de rires, de danses, de chansons et d’amour ».
Rowan, qui avait 17 ans, apportait son énergie, sa compassion et son dévouement aux programmes pour enfants où elle travaillait après l’école et qui aident de nombreuses familles de la région.
Kaydance, qui avait 16 ans et que ses parents chérissaient de tout leur cœur, était une grande sœur fière et affectueuse, qui excellait en athlétisme et dans les programmes de métiers de son école.
Et Danica, qui avait aussi 16 ans, avait une belle énergie qui « illuminait toutes les pièces et tous les terrains de volleyball où elle passait ».
Toutes ces jeunes filles sont décrites comme d’excellentes élèves, des sœurs attentionnées et des personnalités fortes qui apportaient beaucoup à leur milieu.
L’élan de sympathie a été énorme dans la région et dans l’ensemble du pays. Comme l’a déclaré le premier ministre, il s’agit d’une « épreuve inimaginable qu’aucune famille, aucun camarade de classe, aucune école ne devrait avoir à vivre ».
Les Canadiens sont de tout cœur avec les habitants de Walkerton. Samedi matin, par une journée froide et venteuse, je me suis rendue à Walkerton pour rendre hommage aux personnes disparues. En déposant les fleurs et les espadrilles que j’avais apportées, comme on nous invitait à le faire, lors du service commémoratif, j’ai pu prendre conscience des effets dévastateurs de ce tragique accident et du long processus de guérison que chacun devra suivre à sa façon. Moi qui ai déjà vécu des événements semblables lorsque j’étais enseignante et directrice, je sais très bien qu’il faudra énormément de temps avant que la guérison puisse se faire chez les membres de la famille et les amis, mais aussi dans l’ensemble de la collectivité, surtout chez les jeunes élèves de l’école communautaire du district de Walkerton.
Dans les petites localités, l’école secondaire est au cœur de la vie sociale. Les familles, les élèves, les enseignants et les membres du personnel administratif vivront un deuil tout en essayant de faire en sorte que les choses se calment et reviennent à la normale. Les cours seront relégués au second plan, et tous seront contents de voir arriver la fin de juin, qui est habituellement une période de réjouissance.
Le choc, le déni et la colère évolueront différemment dans chaque esprit. À cet âge, à cette étape de la vie et à cette période de l’année, la perte de cinq proches dépasse tout ce qui peut être vécu. Avec le temps, les personnes qui servent de guide pendant cette crise devront aussi recevoir de l’aide à leur tour.
Chers collègues, témoignons ensemble notre sympathie pour la disparition tragique de ces cinq personnes et pour le processus de guérison qui doit faire son chemin. Je vous remercie.
Des voix : Bravo!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Greg et Chris So. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Woo.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
L'Aïd al-Adha
Le jour d’Arafat
L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, j’aimerais aujourd’hui souligner deux choses : d’abord l’Aïd al‑Adha, c’est-à-dire un moment sacré qui sera observé demain par 2 milliards de musulmans de par le monde, et le jour saint d’Arafat, pendant lequel les pèlerins qui participent au hadj passent la journée entière debout ou assis autour du mont de la Miséricorde pour implorer Dieu de son pardon.
Cette année, 2 millions de pèlerins ont pris le chemin de la ville sainte de La Mecque pour le hadj annuel, qui est l’un des cinq piliers de l’islam. Le point culminant du hadj est l’Aïd al‑Adha, qui signifie littéralement « le festin du sacrifice ».
La célébration de l’Aïd al-Adha commémore le moment où la foi du prophète Ibrahim a été mise à l’épreuve, lui qui a fait montre d’un courage extraordinaire et d’une confiance absolue en quelque chose de plus grand, même quand il a dû faire d’énormes sacrifices personnels, c’est-à-dire quand il a reçu l’ordre de sacrifier l’un de ses fils, soit Ishmael, soit Isaac. L’histoire du prophète Ibrahim — ou Abraham comme l’appellent la Torah et la Bible — est reconnue par toutes les religions abrahamiques et nous montre à quel point il faut être fort pour placer sa foi au-dessus de tout.
Les musulmans de partout dans le monde profitent de cette occasion pour réfléchir à leur foi et aux notions de sacrifice et de solidarité. Par-dessus tout, cette fête nous rappelle à quel point il est important de faire passer les autres avant soi et de préférer la compassion au confort et le devoir à la facilité.
Ce sont des valeurs que nous connaissons bien en tant que parlementaires, puisque nous sommes appelés à servir, à écouter et, souvent, à faire des sacrifices au nom de ceux que nous représentons. L’Aïd al-Adha arrive à point nommé pour nous rappeler que le leadership est ancré dans le service et que la véritable force réside dans l’humilité et la conviction morale.
Cette célébration nous invite également à veiller à ce que personne dans la communauté ne soit laissé pour compte. Nous partageons les bienfaits dont nous bénéficions avec les gens qui sont dans le besoin, des voisins, des étrangers et des personnes vulnérables. C’est une expression puissante de notre responsabilité sociale et de notre solidarité.
Dans la riche diversité de la société canadienne, l’Aïd al-Adha nous donne l’occasion de reconnaître et d’honorer les contributions des musulmans canadiens. Ceux-ci continuent d’enrichir nos communautés et nos institutions, y compris le Sénat, où siègent désormais six sénateurs qui représentent près de 2 millions de musulmans au pays.
Au nom de mes collègues musulmans, les sénatrices Gerba et Mohamed et les sénateurs Al Zaibak, Ravalia et Yussuff ainsi que de ma part, Aïd Moubarak. Puisse ce jour apporter la paix dans vos foyers et la joie dans vos familles et nous donner à tous une détermination renouvelée. Merci.
Des voix : Bravo!
Le soutien apporté aux enfants
L’honorable Margo Greenwood : Honorables sénateurs, c’est un honneur pour moi de prendre la parole pour la première fois de cette nouvelle législature. Lorsque le Sénat était suspendu, j’ai eu l’occasion de prendre part à des activités de diplomatie parlementaire et de rencontrer des parlementaires du monde entier. Le sujet qui est revenu le plus souvent fut sans doute les souffrances des enfants dans le monde.
Près d’un enfant sur cinq vit dans une zone de conflit. Selon l’UNICEF, depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza en 2023, au moins 15 000 enfants sont morts. Des dizaines de milliers d’autres ont été déplacés, et un nombre incalculable d’enfants souffriront toute leur vie de handicaps permanents, d’amputations, de troubles post-traumatiques et de différents problèmes de santé mentale.
Les organismes de sécurité alimentaire signalent que 93 % des enfants dans la bande de Gaza sont menacés de famine tandis que l’aide humanitaire est encore bloquée et perturbée. Les enfants au Soudan et dans de nombreux pays du Sud souffrent également de famine et de malnutrition, ce qui mène à des retards de croissance et des décès.
Depuis le début de l’invasion illégale et non provoquée de l’Ukraine par la Russie, au moins 20 000 enfants ukrainiens dans les zones sous contrôle russe ont été kidnappés, mais ce nombre est probablement beaucoup plus élevé. On a attribué la citoyenneté russe à ces enfants qui ont été placés de force dans des foyers russes, et certains d’entre eux ne reverront jamais leur famille. On leur a arraché leur héritage, leur langue et tout lien avec leur nation. Bon nombre d’entre eux ont été victimes de mauvais traitements, de violence et d’exploitation sexuelle.
Je ne peux m’empêcher de penser à l’expérience de ma propre famille. Mon père a été arraché à sa famille, comme beaucoup d’autres enfants autochtones de son époque. On leur a retiré, à lui et à tant d’autres, leur identité, leur culture et leur langue. À cause de son vécu dans un pensionnat, mon père ne m’a jamais appris le cri, et je vis encore aujourd’hui avec cette perte.
J’ai donné quelques exemples d’enfants qui souffrent ailleurs dans le monde, mais nous, les Canadiens, ne sommes pas à l’abri de ces difficultés. Un nouveau rapport de l’UNICEF classe le Canada au 19e rang sur le plan du bien-être des enfants. Des enfants continuent de vivre sous le seuil de la pauvreté, de souffrir de l’insécurité alimentaire et de conditions de logement inadéquates. En outre, les enfants autochtones continuent d’être retirés de leur famille par les services à l’enfance et à la famille à un taux disproportionné.
Alors, chers collègues, que pouvons-nous faire en tant que sénateurs? Dans ma communauté, nous faisons souvent référence aux sept prochaines générations pour réfléchir aux répercussions de nos propres actions sur les sept générations à venir.
Lorsque nous nous réunissons dans cette vénérable enceinte, gardons à l’esprit l’incidence que nos décisions auront sur les enfants du Canada. Chaque fois que nous nous réunissons en comité, posons-nous la question suivante : quelle sera l’incidence de cette étude ou de ce projet de loi sur un enfant de ma communauté? Merci.
Des voix : Bravo!
(1400)
[Français]
AFFAIRES COURANTES
Projet de loi sur la Semaine d’appréciation de la fonction de juré
Première lecture
L’honorable Lucie Moncion dépose le projet de loi S-226, Loi instituant la Semaine d’appréciation de la fonction de juré.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Moncion, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
[Traduction]
Projet de loi sur le Mois du patrimoine arabe
Première lecture
L’honorable Mohammad Al Zaibak dépose le projet de loi S-227, Loi instituant le Mois du patrimoine arabe.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Al Zaibak, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Première lecture
L’honorable Yvonne Boyer dépose le projet de loi S-228, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation).
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Boyer, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à renvoyer les documents produits au cours de la première session de la quarante-quatrième législature et de l’autorité intersessionnelle
L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que les documents reçus, les témoignages entendus et les travaux accomplis par le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs au cours de la première session de la quarante-quatrième législature ainsi que par l’autorité intersessionnelle soient renvoyés au comité.
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les travaux du Sénat
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, avant de procéder à la période des questions, je tiens à vous rappeler que, conformément à l’ordre adopté hier, lors de la période des questions, les questions principales et les réponses sont limitées à une minute chacune, suivies d’un maximum d’une question supplémentaire par question principale, ces questions et réponses supplémentaires étant limitées à 30 secondes chacune. Dans tous ces cas, le greffier lecteur se lève 10 secondes avant l’échéance de ces délais.
Les finances
L’équilibre budgétaire
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement.
Le premier ministre a promis à maintes reprises d’équilibrer le budget de fonctionnement — qu’il distingue des dépenses d’investissement — dans un délai de trois ans. Le problème est le suivant, monsieur le leader du gouvernement : bien que les dépenses puissent raisonnablement être classées comme des dépenses de fonctionnement ou d’investissement, ni le budget principal des dépenses ni les comptes publics ne font une telle distinction pour ce qui est des recettes. Cela signifie que le gouvernement peut ventiler les recettes de la façon qu’il l’entend et prétendre que le budget de fonctionnement est équilibré. Ce n’est pas de la discipline budgétaire, bien sûr, c’est de la créativité financière et comptable.
Les Canadiens ont élu le gouvernement actuel pour qu’il propose de vraies solutions, et non des slogans réchauffés. Monsieur le leader, quand le gouvernement présentera-t-il un vrai plan pour équilibrer le budget en entier — pas seulement les parties qu’il choisit, mais un budget entièrement équilibré?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement prend un certain nombre de mesures pour améliorer l’économie canadienne, ce qui contribuera au bien-être de tous les Canadiens, de même qu’à nos bilans financiers.
Comme l’a dit le premier ministre, le gouvernement présentera à l’automne un budget beaucoup plus complet, efficace, pragmatique et ambitieux. Il est important de bien faire les choses, et c’est ce que le gouvernement prévoit faire.
Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, en 2024, 75 % du total des recettes venaient de l’impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés et, bien sûr, de la TPS. Il n’existe aucun moyen objectif de répartir ces recettes entre les budgets de fonctionnement et d’immobilisations. Je pense que la plupart d’entre nous le savent. Par conséquent, la promesse d’équilibrer le budget de fonctionnement n’est guère plus qu’un mirage budgétaire.
Bien sûr, je rappelle à tous que les Canadiens ont élu le premier ministre Carney avec beaucoup d’espoir. Le gouvernement s’engagera-t-il à présenter aux Canadiens un plan crédible pour assurer l’équilibre d’un budget fédéral en bonne et due forme, et montrera-t-il qu’il a l’intention de le faire rapidement?
Le sénateur Gold : Le gouvernement a présenté ses plans visant à présenter un budget en bonne et due forme à l’automne et à réduire la croissance des dépenses gouvernementales, ainsi que de nombreuses autres mesures afin d’équilibrer le budget de fonctionnement. Il maintient ces engagements.
Les dépenses du gouvernement
L’honorable Elizabeth Marshall : Ma question s’adresse au sénateur Gold. Monsieur le sénateur, le premier ministre a admis que les dépenses de fonctionnement du gouvernement augmentent à une cadence insoutenable de 9 % par année. Dans le discours du Trône, il a promis de les faire passer à moins de 2 %, mais le budget principal des dépenses dit bien autre chose. On y trouve une augmentation importante des dépenses de fonctionnement par rapport à l’an dernier. L’ensemble du budget a augmenté de 8 %, mais les dépenses de fonctionnement ont augmenté encore plus. Elles ne correspondent pas du tout à l’engagement de les faire passer à moins de 2 % qui figure dans le discours du Trône.
Comment le gouvernement peut-il expliquer que les dépenses de fonctionnement ont pu augmenter considérablement dans le budget principal des dépenses alors qu’il a promis de faire preuve de ce qu’il appelle une « nouvelle discipline fiscale »?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement vient tout juste d’entrer en fonction. Il s’est doté d’un programme ambitieux, qu’il met déjà en œuvre et dont les détails sont déjà connus de tous mes collègues. Le Sénat et l’autre endroit pourront étudier le budget principal des dépenses, et les sénateurs auront d’autres occasions d’obtenir des réponses détaillées à leurs questions.
La sénatrice Marshall : Je vous remercie. Sénateur Gold, la posture financière du pays inquiète de nombreux Canadiens. À quoi devrions-nous nous attendre d’ici quatre ans? Aurons-nous droit à une autre promesse rompue?
Le sénateur Gold : Je vous remercie. Où qu’ils habitent au Canada, les Canadiens peuvent s’attendre à ce que le gouvernement, aujourd’hui et tous les jours qui vont suivre, s’emploie avec détermination et acharnement à améliorer leur situation économique. Encore dernièrement, le Parlement a donné sa confiance au gouvernement, et deux fois plutôt qu’une, et celui-ci entend continuer de travailler dur pour l’ensemble des Canadiens.
Les affaires mondiales
Les sanctions contre la Russie
L’honorable Donna Dasko : Ma question s’adresse au sénateur Gold.
En février 2022, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le Canada et ses partenaires du G7 et de l’Union européenne ont gelé l’équivalent de 425 milliards de dollars canadiens d’actifs appartenant à l’État russe. La majorité de ces actifs sont administrés par la société de dépôt belge Euroclear. Il y a au moins 22 milliards de dollars canadiens détenus par Euroclear dans les banques canadiennes.
L’Union européenne doit tenir un vote tous les six mois pour renouveler le gel de ces actifs, et en juillet prochain, il est fort possible qu’un régime prorusse comme la Hongrie décide de mettre son veto et de les dégeler, ce qui veut dire que la part du Canada serait aussitôt renvoyée en Russie.
Le 22 mai, les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales du G7 se sont réunis à Banff. Voici ce qu’ils ont déclaré :
[L]es actifs souverains de la Russie dans nos territoires de compétence resteront immobilisés jusqu’à ce que la Russie mette fin à son agression et paie pour les dommages qu’elle a causés à l’Ukraine.
Le gouvernement peut-il nous donner l’assurance absolue que ces actifs...
(1410)
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je tiens à dire clairement que le Canada est toujours fermement déterminé à soutenir l’Ukraine tandis qu’elle défend sa souveraineté et son indépendance face à la guerre d’agression brutale menée par la Russie.
Pour revenir à votre question, je peux confirmer que le gouvernement adhère à ce qui est énoncé dans la déclaration des ministres des Finances et des banquiers centraux du G7. Il est aussi résolu à continuer de travailler avec ses alliés à la coordination du soutien afin de favoriser le rétablissement et de la reconstruction rapides de l’Ukraine.
La sénatrice Dasko : Le gouvernement du Canada a le pouvoir d’agir de façon indépendante pour geler les 22 milliards de dollars détenus dans des comptes canadiens d’Euroclear; ainsi, les fonds demeureraient gelés même si l’Union européenne ne prolongeait pas le gel qu’elle a imposé. Il ne serait pas nécessaire de faire adopter une nouvelle mesure législative pour geler ces fonds. Le gouvernement s’engagera-t-il à prendre cette mesure pour garantir que les fonds resteront gelés?
Le sénateur Gold : Comme je l’ai dit, le gouvernement est résolu à continuer de collaborer avec ses alliés afin de donner suite à ses promesses et de soutenir l’Ukraine.
Le conflit dans la bande de Gaza
L’honorable Yuen Pau Woo : Sénateur Gold, le 19 mai dernier, le gouvernement du Canada s’est joint à la France et au Royaume-Uni pour s’opposer à l’expansion des opérations militaires israéliennes dans la bande de Gaza. Les trois pays ont menacé d’imposer des sanctions ciblées si Israël ne mettait pas fin à son offensive militaire, ne levait pas les restrictions à l’aide humanitaire et ne stoppait pas l’expansion des colonies en Cisjordanie.
Depuis lors, non seulement le gouvernement israélien a poursuivi son offensive, mais il a également limité considérablement la quantité d’aide humanitaire qui peut entrer dans la bande de Gaza, que l’ONU a qualifiée d’« endroit le plus affamé de la planète ». Quelles sanctions le gouvernement imposera-t-il et quand les imposera-t-il?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement demeure résolu à soutenir les opérations de secours et de reconstruction dans la bande Gaza. Nous continuerons à collaborer avec nos partenaires pour que l’aide parvienne aux civils palestiniens qui en ont désespérément besoin.
Le gouvernement exprime la même position sur le conflit depuis longtemps, et celle-ci n’a pas changé. Le gouvernement est déterminé à parvenir à une solution à deux États qui permettra ultimement aux Israéliens et aux Palestiniens de vivre en paix et en sécurité à l’intérieur de frontières reconnues internationalement.
Le gouvernement continue de réclamer la libération de tous les otages détenus par le Hamas, d’affirmer que le Hamas n’a aucun rôle à jouer dans la gouvernance future de la bande de Gaza et continue d’exiger un cessez-le-feu. Il continuera de travailler avec ses alliés pour mettre fin aux souffrances subies par tous les habitants de la région.
Le sénateur Woo : Le gouvernement continue de faire des menaces, mais il ne les met jamais à exécution. Selon la déclaration commune publiée par les trois pays, le Canada soutient le droit qu’a Israël de se défendre, mais estime que cette escalade est « intolérable » et « complètement disproportionnée ». En toute honnêteté, cela fait plus de 18 mois que la situation est intolérable et disproportionnée.
Sénateur Gold, le gouvernement du Canada est-il maintenant prêt à admettre qu’Israël est venu au bout de son droit à la légitime défense et que la communauté internationale doit intervenir pour éviter d’autres violations du droit communautaire international, voire un génocide?
Le sénateur Gold : Ce n’est pas la position du gouvernement.
Les transports
L’interconnexion ferroviaire
L’honorable Todd Lewis : Ma question s’adresse au sénateur Gold.
À la page 17 de la plateforme électorale du Parti libéral, le gouvernement affirme qu’il :
Aidera les agriculteurs à acheminer leurs produits sur les marchés à bas prix, notamment en Alberta, au Manitoba et en Saskatchewan [en prolongeant] de trois ans le projet pilote d’extension de l’interconnexion ferroviaire.
Quand le gouvernement donnera-t-il suite à cette promesse électorale?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Bienvenue au Sénat du Canada, sénateur. Pour répondre à votre question, le gouvernement collabore avec les provinces, comme vous le savez déjà, et il continuera d’agir sans tarder pour aider les citoyens, quels que soient leurs besoins.
Pour ce qui est de fixer un échéancier, je n’ai pas de réponse précise à vous donner, mais le gouvernement entend toujours donner suite à cette initiative. J’en glisserai un mot au ministre dès que l’occasion se présentera.
Le sénateur Lewis : Je vous remercie, sénateur Gold. Les frais d’expédition doivent être concurrentiels, et pas seulement pour les produits agricoles, mais tous les produits de base, car de nombreux secteurs vivent de l’incertitude en raison des conditions commerciales et des droits de douane. J’aimerais que le gouvernement aille plus loin et rende le projet pilote permanent. Pourriez-vous le dire aussi au ministre?
Le sénateur Gold : Ce sera avec plaisir.
Le patrimoine canadien
CBC/Radio-Canada
L’honorable Andrew Cardozo : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement. Pour commencer, j’aimerais vous remercier des bons mots que vous avez eus à l’endroit de l’honorable Marc Garneau à un moment où nous revenons sur la vie de ce grand Canadien.
Quand notre pays et son identité sont en danger, nous avons besoin plus que jamais d’institutions nationales pour entretenir la flamme nationale. Parmi celles-ci, CBC/Radio-Canada est un véritable fleuron et nous aide à nous rappeler qui nous sommes. Pendant la campagne électorale qui a eu lieu dernièrement, deux partis ont promis de couper les vivres à la société. Le Parti libéral, lui, a promis d’en actualiser le mandat et d’en augmenter légèrement le financement.
Estimez-vous vous aussi qu’à l’époque où nous vivons, CBC/Radio-Canada a un rôle essentiel à jouer, et cet objectif fait-il toujours partie des engagements du gouvernement libéral? Quand nous présentera-t-il son plan concernant le mandat et le financement de la société d’État?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question et de tout ce que vous faites dans ce dossier important.
Comme vous le disiez, sénateur, CBC/Radio-Canada est l’une des grandes institutions du Canada — elle est presque centenaire — et elle sert de pierre d’assise à l’expansion et au rayonnement de la culture canadienne. Elle appartient à tous les Canadiens, qui sont en droit d’avoir des attentes élevées à l’égard de leur diffuseur public.
Bien que je n’aie pas d’échéancier précis à vous donner, je peux assurer au Sénat que le gouvernement fait ce qu’il faut, et ce qu’il peut, afin que les Canadiens puissent continuer de compter sur une source fiable d’information et de divertissement faits ici même au Canada, par des gens d’ici.
Le sénateur Cardozo : Merci, sénateur Gold. À ce stade de notre histoire, plusieurs autres institutions culturelles jouent également un rôle clé dans notre pays, notamment l’Office national du film, le Conseil des arts du Canada, le Musée des beaux-arts du Canada, le Musée canadien pour les droits de la personne, à Winnipeg, et le Musée canadien de l’immigration, à Halifax.
Compte tenu de ses projets de réduction des dépenses, le gouvernement reconnaît-il l’utilité de ces icônes canadiennes pour l’édification du pays?
Le sénateur Gold : Comme tous les Canadiens, le gouvernement est pleinement conscient et reconnaissant du rôle important que jouent les institutions culturelles dans toutes les régions du Canada. Nous espérons que les Canadiens continueront de profiter de ces institutions pour apprendre à mieux connaître notre grand pays.
Les ressources naturelles
La gestion des incendies de forêt
L’honorable Michael L. MacDonald : Sénateur Gold, en août 2021, alors qu’il était de passage en Colombie-Britannique pendant sa campagne électorale, l’ex-premier ministre Trudeau a promis que, s’il était réélu, le gouvernement libéral dépenserait 500 millions de dollars pour former et équiper 1 000 nouveaux pompiers d’un bout à l’autre du pays. Cet argent, disait-il, servirait aussi à acheter de l’équipement essentiel, comme des bombardiers à eau et des hélicoptères, deux outils indispensables pour lutter contre les incendies de forêt de plus en plus dévastateurs qui font rage chaque été.
Quatre années se sont écoulées depuis cette annonce. Des milliers de Canadiens ont été déplacés, des villages entiers ont brûlé et les conséquences sur l’environnement et l’économie continuent de prendre de l’ampleur.
Sénateur Gold, pouvez-vous dire une chose au Sénat : sur les 1 000 pompiers promis, combien exactement ont été embauchés et entraînés, et combien d’hélicoptères et de bombardiers à eau ont été achetés par le gouvernement depuis la promesse faite en 2021?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de nous rappeler, même si je crois que nous n’en avions pas besoin, la dévastation que causent les incendies de forêt dans de très nombreuses localités de plusieurs provinces. Le gouvernement est exceptionnellement reconnaissant à tous les pompiers et aux secours qui ont été mobilisés d’un bout à l’autre du pays — et de l’étranger, si j’ai bien compris — pour contribuer à cette tâche primordiale et sauver des vies.
Le gouvernement continuera de tout faire, en collaboration avec ses partenaires des provinces, des territoires et des communautés autochtones, pour venir en aide à ceux qui en ont besoin et, espérons-le, pour que le pays devienne plus résilient afin de réduire au minimum les risques qu’il y ait d’autres incendies dévastateurs.
Le sénateur MacDonald : Ce n’est pas une réponse, ça.
Les Canadiens veulent voir des résultats. Si les 500 millions de dollars promis n’ont pas été dépensés au complet, pourriez-vous nous expliquer dans le détail combien l’ont été jusqu’à maintenant et ce qui a empêché que l’on se dote de ces ressources capitales pour lutter contre les incendies?
Le sénateur Gold : Il est important de savoir comment nous allons parvenir à augmenter notre capacité à lutter contre les catastrophes liées au climat, et je ne manquerai pas de soulever la question auprès de la ministre.
(1420)
Le Bureau du Conseil privé
Les priorités du gouvernement
L’honorable David Richards : Ma question s’adresse au sénateur Gold.
Sénateur Gold, pendant des années, mes préoccupations concernant les projets de loi imparfaits présentés par le gouvernement précédent — par exemple, les projets de loi C-69 et C-48 sur la taxe sur le carbone — et notre position défensive ont non seulement été ignorées, mais souvent ridiculisées et rejetées au Sénat. Aujourd’hui, le Cabinet qui les a ignorées s’apprête à adopter ces mêmes politiques qu’il avait si facilement rejetées.
Diriez-vous que des torts irréparables ont déjà été causés?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.
Je pense qu’à ce stade-ci de notre histoire, nous disposons de solides bases sur lesquelles nous appuyer. Le gouvernement en place a établi un plan ambitieux et audacieux pour nous aider à traverser ce qui est sans doute la période géopolitique la plus difficile pour le monde — et certainement pour le Canada — depuis la Seconde Guerre mondiale.
Les Canadiens ont élu un gouvernement qui se concentre sur l’économie, qui se concentre sur l’amélioration des perspectives d’avenir des Canadiens, des familles et des entreprises partout au pays, et nous continuerons à travailler dans ce sens.
Le sénateur Richards : J’ai une brève question complémentaire. Pouvez-vous admettre qu’une grande partie de la politique promue par l’ancien gouvernement dans cette enceinte a contribué à bien des égards aux horribles calamités dans lesquelles notre pays se trouve aujourd’hui?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Ce n’est pas ainsi que le gouvernement considère les réalisations du gouvernement précédent, même si, à l’heure actuelle, et compte tenu de l’évolution de la situation dans le monde, le nouveau gouvernement prend des mesures pour nous faire avancer. Le gouvernement a un plan, il l’exécute, et c’est en fonction de celui-ci qu’on pourra le juger.
Les relations Couronne-Autochtones
La consultation des Autochtones
L’honorable Yvonne Boyer : Sénateur Gold, comme vous le savez, l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 affirme les droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones du Canada, droits qui comprennent, entre autres, l’autodétermination, les droits fonciers et l’obligation pour les gouvernements de consulter et d’accommoder les Premières Nations.
Malgré ces obligations légales, nous continuons d’être témoins de projets de loi provinciaux qui ne tiennent pas compte de ces protections. Pour ne citer qu’un exemple récent parmi tant d’autres, en Ontario, il y a le projet de loi 5, qui centralise le contrôle des frontières municipales et des processus de planification sans consultation appropriée des Premières Nations concernées. C’est très inquiétant.
Pourriez-vous nous indiquer les mesures précises que prend le gouvernement fédéral pour faire en sorte que les projets de loi provinciaux respectent les droits autochtones protégés par la Constitution et que l’obligation de consulter soit observée de manière adéquate?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question.
Les droits inhérents des peuples autochtones, qui sont reconnus et inscrits dans notre Charte, lient tous les ordres de gouvernement dans toutes les actions qu’ils entreprennent. Le gouvernement fédéral a une responsabilité, dont il s’acquitte comme il se doit dans les domaines relevant de sa compétence, et les mêmes obligations constitutionnelles lient les provinces qui agissent dans les domaines relevant de leur compétence exclusive. Le gouvernement fédéral s’attend à ce que tous les gouvernements respectent leurs obligations telles qu’elles sont consacrées et reconnues dans la Constitution.
La sénatrice Boyer : Merci, sénateur Gold. Cet incident est emblématique d’une exclusion plus large et persistante du point de vue des Autochtones dans le cadre des forums décisionnels déterminants. Cette semaine encore, les dirigeants des Premières Nations n’ont pas été invités à participer à la rencontre des premiers ministres, où l’on a délibéré sur des questions d’importance nationale et où l’on a échangé au sujet de décisions cruciales touchant toutes les régions. De telles omissions sont non seulement contraires à l’esprit de réconciliation, mais elles perpétuent également les structures de pouvoir coloniales qui traitent les gouvernements autochtones comme des partenaires secondaires plutôt que comme des partenaires égaux au sein de la fédération canadienne.
Le sénateur Gold : Le gouvernement actuel est attaché aux principes énoncés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il est déterminé à collaborer avec les communautés autochtones afin de concrétiser les droits constitutionnels auxquels vous faites référence. Le gouvernement et le premier ministre ont déjà consulté les dirigeants autochtones et les titulaires de droits et ils continueront de le faire à l’avenir.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor
La Politique sur les résultats
L’honorable Jane MacAdam : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.
Dernièrement, lors de divers discours et interventions, à commencer par le discours du Trône, le gouvernement a déclaré qu’il sera « guidé par une nouvelle discipline fiscale : dépenser moins, pour que les Canadiens puissent investir plus ». De son côté, le premier ministre a déclaré que le « gouvernement lui-même doit devenir beaucoup plus productif », notamment « en se concentrant sur l’obtention de résultats plutôt que sur les dépenses ».
Sénateur Gold, l’automne dernier, les représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor ont dit au Comité sénatorial des finances nationales qu’ils étaient en train de revoir la Politique sur les résultats. Cette politique, qui constitue un outil de reddition de comptes de premier plan, définit les exigences fondamentales à remplir pour la collecte de données de rendement et pour leur utilisation afin de gérer des programmes et en évaluer l’efficacité et l’efficience. Elle insiste notamment sur l’importance des résultats dans la prise de décisions touchant la gestion et les dépenses ainsi que les rapports publics.
Pourriez-vous nous dire où en sont les choses et quels progrès ont été réalisés?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et je vous remercie aussi d’avoir souligné l’attachement du gouvernement à l’atteinte de résultats.
Le gouvernement et le premier ministre ont décidé de donner cette orientation au travail qu’accomplit le gouvernement et qu’il continuera d’accomplir. Je ne suis pas en position de commenter le travail réalisé par le gouvernement et les différents ministères, mais je peux assurer au Sénat qu’il s’agit d’une grande priorité pour le premier ministre et pour le gouvernement.
La sénatrice MacAdam : Merci, sénateur Gold. J’aimerais maintenant revenir sur la question posée par ma collègue concernant l’accès aux remarquables données du Rapport sur les résultats ministériels sur le site Web InfoBase du gouvernement du Canada. Pouvez-vous nous dire quand le gouvernement y affichera les données en question?
Le sénateur Gold : Je vous remercie. Je ne peux pas vous donner de moment précis, mais je continuerai de soulever la question chaque fois que j’en aurai l’occasion.
Les affaires mondiales
Le soutien à l’Ukraine
L’honorable Rebecca Patterson : Ma question s’adresse au sénateur Gold.
Il y a quelques jours, l’Ukraine a entrepris ce qui équivaut à une attaque au cheval de Troie moderne contre des cibles militaires légitimes russes. Aucun civil n’a été blessé. Des drones ukrainiens ont été lancés à partir de camions porte-conteneurs déployés au cœur du territoire russe et ont détruit de nombreux avions stratégiques stationnés dans des bases aériennes russes, dont certaines se trouvaient à une distance de plus de 5 000 kilomètres, y compris en Sibérie.
Les avions qui ont été détruits ou endommagés constituaient une partie importante de la flotte de frappes stratégiques de l’armée de l’air russe, y compris des appareils fréquemment utilisés pour des opérations de reconnaissance en Amérique du Nord, notamment dans l’Arctique canadien. Ces avions représentaient une menace non seulement pour l’Ukraine, mais aussi pour le Canada et l’OTAN. Cette réussite est en grande partie attribuable à la nouvelle technologie de drone exceptionnelle et peu coûteuse élaborée par l’Ukraine.
Ma question est la suivante. Que fait le Canada pour aider l’Ukraine à développer davantage sa dronautique et à l’utiliser sur le champ de bataille en un temps record? De plus, comment le gouvernement encourage-t-il les fabricants canadiens de drones à collaborer avec leurs partenaires ukrainiens afin que le Canada puisse bénéficier de ces avancées technologiques?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et, une fois de plus, de souligner la lutte héroïque de l’Ukraine pour la défense de son territoire et de sa souveraineté.
Le Canada est depuis toujours un partenaire important de l’Ukraine, et les deux pays collaborent dans de nombreux domaines. Il m’est impossible de communiquer des renseignements sur la teneur des discussions entourant les mesures militaires, et ce, pour plusieurs raisons que le Sénat comprendra. Je tiens à vous assurer que le Canada fait ce qu’il peut pour jouer son rôle auprès de ses alliés afin de soutenir l’Ukraine dans ses efforts de légitime défense contre la guerre illégitime menée par la Russie.
La sénatrice Patterson : Merci, sénateur Gold. J’espère que nous tirerons parti de leur créativité et de leur ingéniosité pour nous aider.
Sénateur Gold, la destruction de ces avions russes a sensiblement réduit la capacité de frappe stratégique de la Russie, qui représente une menace pour le Canada. Cependant, cela ne suffit pas. Avec le sénateur Kutcher et d’autres, j’ai récemment assisté à une séance d’information sur le bouclier du ciel en Ukraine. Le bouclier du ciel pourrait contribuer à fournir une protection bien nécessaire aux infrastructures essentielles en Ukraine, comme les réacteurs nucléaires, et sauver d’innombrables vies innocentes.
(1430)
Le sénateur Gold : Une fois encore, le Canada est en pourparlers avec l’Ukraine et ses alliés afin de contribuer à renforcer la sécurité du territoire ukrainien, et il continuera dans cette voie.
L’intégrité des élections
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, les élections bidon qui se sont déroulées dernièrement au Venezuela et qui ont été marquées par la répression politique, le désenchantement généralisé des électeurs et les prétentions absurdes sur le territoire de la Guyane révèlent encore une fois la nature même du régime de Maduro : une dictature s’accrochant au pouvoir par des moyens frauduleux. Là où d’autres démocraties ont réagi nettement et avec conviction, le Canada s’est fait étonnamment discret.
Dans la mesure où le Canada défend depuis longtemps la démocratie et les droits de la personne à l’étranger, le gouvernement pourrait-il nous expliquer pourquoi sa réaction devant ces élections frauduleuses a été aussi timide? Pourrait-il nous dire ce qu’il fait concrètement pour soutenir la population vénézuélienne?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je vous remercie aussi de nous rappeler la fragilité de nos démocraties solides et concrètes, ainsi que la nécessité de rester attentifs au fait qu’une façade démocratique peut dissimuler un gouvernement qui fait fi des principes démocratiques qui nous sont chers.
Je vais aborder le sujet avec la ministre, parce que je ne suis tout simplement pas en mesure de donner des précisions sur la façon dont le gouvernement traite cette question avec les alliés démocratiques du Canada.
Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, le gouvernement libéral n’a pas tardé à condamner Israël, même si le Hamas détient toujours 56 otages, parmi lesquels figurent des Canado-Israéliens. Or, presque deux semaines après les élections bidon du Venezuela, le gouvernement reste complètement muet, alors que d’autres démocraties les ont dénoncées.
Pourquoi est-ce si difficile pour le nouveau gouvernement libéral de défendre de la même façon la liberté et la démocratie dans l’ensemble du monde?
Le sénateur Gold : Comme je l’ai déjà dit, sénateur, je vais aborder la question avec la ministre Anand aussitôt que j’en aurai l’occasion. De concert avec ses alliés démocratiques, le Canada défend les principes libéraux qui sont au cœur de notre démocratie et de celle de nos alliés.
La Convention d’Ottawa
L’honorable Marilou McPhedran : Merci, Votre Honneur. Je suis vraiment reconnaissante qu’on traite de façon équitable une sénatrice non affiliée.
Sénateur Gold, ce qui m’inquiète, ce sont les civils innocents, en particulier les femmes, les filles et les jeunes, qui sont touchés de façon disproportionnée par les mines antipersonnel. Depuis 1997, la Convention d’Ottawa interdit l’utilisation des mines antipersonnel partout dans le monde. Les 165 États parties n’utilisent plus ces mines. Des stocks de plus de 40 millions de mines ont été détruits. Hélas, l’Estonie, la Lettonie, la Pologne, et maintenant la Finlande, ont annoncé qu’elles avaient l’intention de suivre l’exemple de la Lituanie et de se retirer de la Convention d’Ottawa. Sans cette convention, des civils — des femmes et des enfants pour la plupart — seront tués ou mutilés par ces armes qui frappent sans discrimination.
Que fait le gouvernement du Canada afin d’assurer le maintien de l’adhésion à la Convention d’Ottawa?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et je vous remercie d’avoir souligné le rôle historique joué par le Canada dans ce dossier. Dans une vie antérieure, j’ai été membre de la Fondation des mines terrestres du Canada et ce fut pour moi un honneur d’y collaborer.
Je ne suis pas au fait des mesures que le gouvernement aurait prises au sujet des pays qui ont affirmé vouloir se retirer de la convention, mais j’en parlerai assurément à la ministre dès que j’en aurai l’occasion.
La sénatrice McPhedran : La perte d’un membre et la mort sont irréversibles. Je vous prie d’essayer d’obtenir des renseignements plus précis. Voici ma question : quelles mesures prend-on pour renforcer la position diplomatique du Canada afin de protéger les avantages qu’offre la Convention d’Ottawa et d’endiguer le flot de retraits?
Le sénateur Gold : Je vous remercie d’avoir expliqué davantage le contexte de votre question. Je ne manquerai pas de la soulever.
ORDRE DU JOUR
L’ajournement
Adoption de la motion
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 4 juin 2025, propose :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 10 juin 2025, à 14 heures.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
[Français]
Projet de loi sur le Mois national de l’immigration
Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’honorable Amina Gerba propose que le projet de loi S-215, Loi instituant le Mois national de l’immigration, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole depuis le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinabe. Cette reconnaissance territoriale est encore plus importante dans le contexte du projet de loi S-215, Loi instituant le Mois national de l’immigration. En effet, il est capital de rappeler, encore et toujours, la présence des peuples autochtones sur le territoire actuel du Canada depuis des temps immémoriaux.
C’est donc avec une émotion certaine que je m’exprime à nouveau devant vous aujourd’hui pour reprendre le processus entamé lors de la précédente législature avec le projet de loi S-286, qui est mort au Feuilleton.
Cette initiative fait référence au parcours de plusieurs d’entre nous ici présents et de millions de nos compatriotes venus de toutes les parties du monde afin d’enrichir notre pays de leur expérience et de contribuer à notre histoire.
Permettez-moi de commencer par une anecdote qui vous permettra de comprendre pourquoi cette loi est si importante, une petite scène de vie que plusieurs d’entre vous vivent certainement au quotidien, si vous n’êtes pas caucasiens.
Il y a quelques années, mon mari discutait avec une invitée durant le cocktail de réseautage qui précédait un gala de collecte de fonds à Montréal. Apparemment surprise d’entendre mon mari parler un excellent français, la dame lui a demandé d’où il venait.
Malicieux, mon mari a feint de ne pas comprendre le sens de la question. Il lui a répondu : « Je viens de Laval. » « Non, je veux comprendre d’où vous venez. » Il a dit : « Oui, je viens de Vimont, à Laval. »
Devant le regard perplexe de la dame qui ne semblait pas comprendre sa réponse ni en être satisfaite, il a finalement révélé ses origines camerounaises. Il a posé la même question à la dame en retour. Très confuse, la dame lui a demandé ce qu’il voulait dire. C’est alors que mon mari lui a gentiment rappelé qu’en dehors des peuples autochtones, à sa connaissance, nous venons tous d’ailleurs. Il lui a également suggéré d’aller poser des questions à ses parents et à ses grands-parents au sujet de la provenance de ses ancêtres.
(1440)
Vous aurez compris, chers collègues, que cette question est toujours d’actualité aujourd’hui. Cette scène et cette interrogation sont très fréquentes et fort révélatrices. Ce sont ces interrogations qui m’ont incitée à formuler le rappel de notre commune situation de gens qui sont « venus d’ailleurs » et à le concrétiser par un projet de loi. Tenant en trois articles, le texte de ce projet de loi est fort simple et son objectif l’est tout autant. Il s’agit de célébrer annuellement, par un mois qui lui est consacré, le rôle essentiel de l’immigration dans la construction de notre pays.
Le Canada est un pays façonné par l’immigration. Ce sont des femmes et des hommes venus d’ailleurs qui, par leur travail, leur courage et leur résilience, ont contribué à bâtir la nation prospère et inclusive que nous connaissons aujourd’hui, un pays qui suscite l’admiration bien au-delà de ses frontières. Dans tous les domaines, qu’il s’agisse de l’économie, des sciences, de la culture, des sports ou de la vie communautaire, les immigrants ont joué un rôle essentiel dans les grandes réalisations qui font notre fierté collective.
Il suffit d’observer la diversité des parcours des personnes qui siègent dans cette Chambre pour constater la richesse de cet apport. Il suffit aussi de porter attention à ce qui se passe dans chacune de vos régions pour mesurer au quotidien l’empreinte positive et durable des communautés immigrantes. Ces contributions méritent d’être pleinement reconnues, célébrées et honorées. Il est temps de rendre justice à celles et ceux qui, par leur engagement, continuent de faire grandir le Canada.
Avant d’aborder en détail les motifs qui m’ont amenée à proposer que le Canada se dote d’un Mois national de l’immigration, j’aimerais tout d’abord faire une mise au point. En effet, il ne vous aura pas échappé que notre politique migratoire fait l’objet de nombreux débats qui résonnent quasi quotidiennement dans l’actualité. Certains de ces débats sont utiles, voire nécessaires. D’autres se rapprochent, quant à eux, dangereusement de théories de rejet et d’exclusion qui n’ont pas leur place dans notre pays.
En tant que fière Québécoise et Canadienne issue de l’immigration, je ne cacherai pas que je me sens interpellée et que je suis très inquiète face aux discours extrémistes et populistes actuels qui tendent vers un rejet total de toute forme d’immigration. Les partisans de cette ligne dure insinuent — à tort — que les immigrants sont en grande partie responsables des problèmes économiques et sociaux de notre pays.
Il est important de rappeler que notre pays s’est construit par des vagues successives d’immigration. C’est simplement une question de temps. Quand sont-ils arrivés? Il y a des siècles, il y a un mois, il y a un an. Nous sommes tous venus d’ailleurs, qu’il s’agisse de nous-mêmes ou de nos ancêtres.
Aujourd’hui encore, l’immigration demeure essentielle pour relever les défis démographiques et économiques qui se dressent devant nous. Le vieillissement de la population et la pénurie persistante de main-d’œuvre, notamment dans plusieurs secteurs clés, rendent l’accueil de nouveaux arrivants plus nécessaire que jamais. Il ne suffit toutefois pas de simplement accueillir ces nouveaux arrivants; il faut aussi savoir les intégrer. C’est important. C’est pourquoi l’immigration doit être réfléchie, planifiée et accompagnée.
Une intégration réussie ne repose pas uniquement sur les efforts des personnes immigrantes; elle exige un engagement collectif de la part de toute la société d’accueil. Il nous revient de créer les conditions qui permettent aux nouveaux arrivants de s’épanouir, notamment en facilitant leur accès aux services, à la formation linguistique, à l’emploi, et en leur offrant des repères pour comprendre les valeurs et les codes de leur nouveau milieu de vie, tout en respectant leur identité et leur culture d’origine. L’intégration est un processus qui prend du temps, mais lorsqu’elle est bien réalisée et accompagnée, elle devient un levier puissant de cohésion sociale, de prospérité partagée et de fidélisation des générations futures.
Chers collègues, il est impératif de mettre en garde contre les politiques xénophobes et populistes qui cherchent à diviser. Le Canada doit rester un exemple de tolérance et d’inclusion. D’ailleurs, ma collègue Julie m’a mentionné à plusieurs reprises de ne pas faire cela, mais j’ai continué de le faire, parce que c’est important que nous puissions comprendre pourquoi j’en suis arrivée à présenter ce projet de loi aujourd’hui. Pour réussir à faire cela, nous devons investir pour mieux accueillir, retenir et assurer la prospérité économique de nos nouveaux arrivants. De même, nous devons investir dans le processus de sélection des immigrants et punir sévèrement ceux qui sont impliqués dans leur trafic. Malheureusement, ils sont nombreux.
Honorables sénateurs, l’immigration n’est pas un fardeau à porter. Elle est notre histoire, notre richesse et notre avenir. Le projet de loi S-215 ne vise pas à appeler à accueillir plus ou moins d’immigrants au Canada, ou encore à prendre parti pour tel ou tel élément de la politique migratoire de notre pays. Ce projet de loi s’adresse plutôt aux générations successives d’immigrants de notre pays, celles qui l’ont façonné pour en faire une société multiculturelle, à l’image du monde. Ces générations se trouvent ici, dans cette Chambre; elles sont venues de partout, et nous nous devons de les célébrer.
Sans prétendre être une historienne, permettez-moi de revenir brièvement sur les grandes vagues migratoires qui ont façonné le Canada. Il ne s’agit que d’un survol, puisque j’ai déjà abordé cette dimension plus en détail à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-286, le prédécesseur de celui-ci, qui est malheureusement mort au Feuilleton durant la précédente législature.
(1450)
Je vous invite d’ailleurs à consulter ce discours si vous souhaitez passer en revue cette perspective historique qui était assez détaillée. Il est essentiel de rappeler que le territoire que nous appelons aujourd’hui le Canada était habité bien avant l’arrivée des Européens. Les peuples autochtones y vivaient depuis des millénaires, et les Vikings auraient même atteint les côtes de Terre-Neuve dès l’an 1021.
L’histoire migratoire du Canada s’inscrit dans un long processus commencé dès le moment où se sont établis les premiers Européens, notamment lors de la fondation de la ville Québec en 1608. Après la Proclamation royale de 1763, le pays accueille successivement des loyalistes américains, puis des vagues d’immigration en provenance de l’Europe, notamment de l’Irlande.
Au moment de la Confédération en 1867, le Canada compte environ 3,6 millions d’habitants et estime que l’immigration est essentielle pour son développement, particulièrement pour coloniser l’Ouest. Cependant, ses politiques migratoires restent longtemps sélectives, voire discriminatoires, favorisant les Européens et excluant systématiquement les populations asiatiques, noires et autres.
Ce peuplement intensif crée des tensions avec les peuples autochtones, ce qui mène à des conflits comme la Résistance du Nord-Ouest en 1885. Après la Seconde Guerre mondiale, le Canada devient une terre d’accueil plus ouverte, mettant fin aux lois discriminatoires et accueillant des réfugiés et des personnes déplacées par la guerre. Le programme de parrainage privé permet notamment l’arrivée de milliers de réfugiés d’Asie du Sud-Est.
Dès les années 1960, un tiers des Canadiens sont d’origine autre que britannique ou française. Ces vagues migratoires ont façonné une société multiculturelle, faisant du Canada le pays du G7 avec la plus forte proportion d’immigrants.
En effet, en 2021, selon Statistique Canada, plus de 8,3 millions de personnes, soit près du quart la population, étaient ou avaient des origines immigrantes, étant soit des immigrants reçus ou des résidents permanents au Canada.
Face au vieillissement progressif de la population canadienne et à un taux de natalité inférieur au seuil de renouvellement, l’immigration est aujourd’hui le principal moteur démographique du pays. Selon les projections de Statistique Canada, d’ici 2041, les personnes immigrantes pourraient représenter entre 29,1 % et 34 % de la population canadienne. Ces chiffres soulignent l’importance cruciale d’une politique d’immigration réfléchie, inclusive et porteuse d’avenir.
Chers collègues, à travers ce petit rappel, ce retour sur l’histoire de notre population, je veux vous rappeler une vérité fondamentale. Comme je l’ai dit au début, à l’exception des peuples autochtones, nous sommes tous venus d’ailleurs. Certains sont venus il y a des siècles, d’autres, il y a des décennies, des mois, voire des jours. Nous sommes tous venus d’ailleurs pour bâtir et peupler ce pays qu’est le Canada.
Toutefois, nous ne devons jamais oublier que ce processus de peuplement du pays et d’occupation du territoire a bien souvent conduit à une dépossession des cultures, des langues, des traditions et des terres des peuples autochtones.
Ainsi, notre pays est à la fois le fruit des espoirs des uns et des autres, des rêves de millions d’immigrants venus d’ailleurs, des quatre coins du monde, pour construire une vie meilleure. Malheureusement, pour les peuples autochtones, il s’agit d’une entreprise d’effacement tragique de leurs droits et de leurs biens matériels et immatériels.
Ces deux réalités sont les deux faces d’une même pièce. Elles constituent notre histoire, et il ne faut jamais les nier. Elles nous imposent un devoir envers la justice, la réparation, les compensations et la mémoire qu’il nous faut transmettre aux générations futures.
Une autre raison a motivé le dépôt du projet de loi S-215 : c’est la multiplication des motions dans cette Chambre et à l’autre endroit et des lois concernant la célébration du patrimoine de différentes communautés qui vivent au Canada. Chers collègues, indéniablement, ces initiatives ont un but légitime et qui découle d’ailleurs du même constat que le mien : il faut mettre en valeur les contributions inestimables des immigrants dans notre pays.
Je vois le Mois national de l’immigration comme une prise de conscience collective utile, en ce sens où certains n’hésitent pas à blâmer les immigrants pour certaines situations sociales complexes et difficiles. Il pourrait agir comme une vitrine, une occasion pour tous les immigrants de faire valoir leurs contributions dans leurs communautés. En rassemblant les nouvelles célébrations, ce mois national, loin de diluer les mois nationaux existants, agira comme une tribune.
Ce sera une tribune où l’on pourra rassembler et célébrer toutes les communautés parce qu’elles doivent être célébrées, peu importe leur taille. De même, il s’agira d’un espace commun pour souligner la richesse des contributions, petites et grandes, de tous les immigrants, peu importe la taille de leur communauté.
Chers collègues, j’ai pu mesurer tout l’appui que la mise sur pied d’un Mois national de l’immigration recevait de très nombreux groupes auxquels j’ai eu la chance de présenter le projet de loi. Le 15 mai 2024, mon équipe et moi avons organisé une table ronde de concertation afin de recueillir les avis des organisations représentant les intérêts des immigrants. Nous avons ainsi réuni virtuellement une trentaine d’organismes pour recueillir leur avis sur l’initiative que je parraine.
Au cours de cette séance très fructueuse, nous avons reçu les commentaires des parties prenantes de partout au pays, qui représentaient les plus importantes communautés immigrantes au Canada. Le message que nous avons reçu est sans appel : toutes ces parties prenantes ont confirmé leur soutien à un projet de loi instituant un Mois national de l’immigration.
Bien sûr, cette consultation n’avait pas la prétention d’être exhaustive, mais elle a eu le mérite de réaliser un coup de sonde sérieux pour évaluer l’accueil qu’un tel mois recevrait de la part des organisations touchées par ce projet de loi.
(1500)
Nous avons aussi poursuivi nos consultations tout l’été dernier, cette fois par téléphone. J’ai demandé quel serait le meilleur mois pour concrétiser cette initiative. Un certain consensus s’est dégagé autour du mois de novembre, car il s’avère pertinent à plusieurs égards. Tout d’abord, c’est au mois de novembre qu’a lieu la Semaine de l’immigration francophone. Ensuite, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui établit les principes fondamentaux en la matière, a reçu la sanction royale le 1er novembre 2001. Je tiens à rappeler le caractère central de cette loi qui encadre la politique migratoire moderne du Canada. Permettez-moi de faire un survol historique des étapes charnières qui ont mené à l’adoption de cette loi, pour vous montrer en quoi elle est si importante pour nous.
Pendant longtemps, la politique migratoire canadienne favorisait l’immigration blanche. Des lois explicitement racistes ont exclu de nombreux candidats. On se souviendra de la taxe imposée aux Chinois dès 1885, de l’interdiction quasi totale de l’immigration noire en 1911, des restrictions envers les Japonais et les Indiens et du refus d’accueillir les réfugiés juifs du MS St. Louis en 1939. Un tournant s’est amorcé après 1947 avec la levée de certaines interdictions, puis avec l’introduction en 1967 d’un système de points fondé sur les compétences, l’éducation et les liens familiaux, plutôt que sur les origines ethniques.
La Loi sur l’immigration de 1976 a modernisé le système. Elle affirmait les principes de diversité et de non-discrimination et reconnaissait les réfugiés comme une catégorie protégée. C’est ainsi que le programme de parrainage privé qui a été lancé en 1979 a permis d’accueillir plus de 327 000 réfugiés au Canada. Depuis 1980, cinq grandes voies d’immigration structurent donc l’accès au Canada : l’immigration indépendante, l’immigration humanitaire, l’immigration familiale, l’immigration assistée et l’immigration économique. Enfin, le 1er novembre 2001, la Loi sur l’immigration de 1976 a été remplacée par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. La nouvelle loi maintenait une part substantielle des principes et des politiques de la précédente loi, notamment les différentes catégories d’immigrants. En outre, elle étendait la catégorie de l’immigration familiale pour inclure les couples homosexuels et les unions de fait. Cette loi est la pierre angulaire de la politique migratoire canadienne actuelle.
Le choix du mois de novembre pour célébrer le Mois national de l’immigration s’appuie sur un repère symbolique fort : l’adoption de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui est entrée en vigueur le 1er novembre 2001. Cette loi constitue l’un des piliers modernes de notre politique d’immigration. Elle nous permet aujourd’hui de voir notre politique consolidée avec une plus grande portée historique et civique. Elle est un pilier en matière d’immigration, et c’est pour cette raison que nous devons l’associer au projet de loi S-215, puisque la loi est toujours en vigueur aujourd’hui.
Par ailleurs, le mois de novembre est un moment particulier au Parlement. C’est un moment propice à l’organisation d’activités parlementaires. Il coïncide généralement avec une période active à la Chambre des communes et au Sénat, ce qui facilite l’engagement politique et institutionnel autour de cette commémoration. Mis à part le jour du Souvenir, le calendrier du mois de novembre est relativement dégagé et offre ainsi l’espace nécessaire pour donner toute sa visibilité à une célébration nationale de l’immigration.
Chers collègues, ce projet de loi nous renvoie aux générations successives qui ont développé notre pays. L’objectif est de rappeler que nous sommes tous — ou presque tous — venus d’ailleurs. En rassemblant les activités liées aux célébrations, ce mois renforcera l’appui à toutes les motions étudiées par le Parlement, qui visent à célébrer nos différentes communautés et à mettre en évidence qui nous sommes en tant que Canadiens issus de toutes les régions du monde.
Permettez-moi de vous parler un peu de moi. Je suis arrivée au Canada en 1986 avec mon mari. Nous avons immigré dans ce pays par choix pour poursuivre nos études. Mon mari avait alors obtenu une bourse d’études de la défunte Agence canadienne de développement international, l’ACDI, pour compléter son doctorat en communication. Nous devions retourner au Cameroun après ses études. Toutefois, nous avons décidé de rester au Canada pour offrir de meilleures conditions de vie à nos quatre enfants, dont trois sont nés ici.
Aujourd’hui, à travers les différentes initiatives de ma famille — dont les membres sont tous entrepreneurs, comme moi —, je puis affirmer que nous avons tous contribué à la prospérité de ce pays. Nous l’avons fait en créant des emplois et en accueillant des immigrants comme travailleurs étrangers. Je l’ai fait depuis quatre ans ici, à vos côtés. Pourtant, nous devons toujours répondre aux mêmes questions que celle que j’ai évoquée au début de mon discours : d’où venez-vous? À mes enfants nés ici, à Montréal-Nord, à Laval, à Saint-Lambert et à Lorraine, on pose la même question. À mes petits-enfants qui sont nés ici, on pose la même question. Le but de ce projet de loi est d’amener un changement, pour faire en sorte que l’on accepte que nous sommes tous venus d’ailleurs et que l’on ne pose plus cette question. La question est peut-être légitime et on n’arrêtera pas de la poser. Toutefois, il doit être enseigné, dit et répété qu’à part les peuples autochtones, nous sommes tous des Canadiens issus de l’immigration.
(1510)
Chers collègues, vous avez pu constater que le Canada est fondamentalement une terre d’immigration. L’immigration a façonné le pays que nous chérissons aujourd’hui.
[Traduction]
Le fait de consacrer un mois à l’immigration enverrait un message très fort à l’ensemble des Canadiens et à la communauté internationale. Honorables sénateurs, je vous invite donc à vous rallier à moi et à appuyer ce projet de loi.
Les immigrants ne sont pas des étrangers. Ils font partie de notre pays. Ils sont le passé, le présent et l’avenir du Canada.
[Français]
C’est pourquoi je vous exhorte, honorables sénateurs, à renvoyer le plus tôt possible en comité le projet de loi S-215, Loi instituant le Mois national de l’immigration, afin qu’il y soit étudié et qu’il devienne une loi au Canada.
Des voix : Bravo!
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Il est difficile de prendre la parole après le discours de ma collègue la sénatrice Gerba. C’était un discours senti, qui venait du cœur, qui venait de vous, madame la sénatrice.
Évidemment, cette fameuse question : « D’où venez-vous? », je l’ai entendue moi aussi. On aimerait ne pas la poser. Parfois, il y a de la curiosité, mais il y a aussi une idée de ressemblance. Pourtant, le Québec et le Canada sont maintenant multiculturels et comptent beaucoup de communautés diverses, mais il y a encore des ratés.
Mon intervention sera brève, madame la sénatrice Gerba, parce que je ne peux pas avoir votre verve sur cette question. Je n’ai pas connu l’immigration. Je suis née tout banalement ici, à Québec. J’appuie le projet de loi S-215, parce que je souhaite que cette célébration soit aussi une période de réflexion sur les enjeux cruciaux que pose l’immigration.
Ce n’est pas qu’une guerre de chiffres. À une autre époque, on ne parlait pas de réfugiés climatiques, ni de narco-États, ni de violences systémiques subies par les femmes dans de nombreux pays.
Chez nous, l’immigration s’est souvent faite par vagues, et vous en avez d’ailleurs parlé : vague britannique, chinoise ou japonaise, vague italienne. Cependant, ces vagues s’accompagnent souvent de marées hautes et basses. À marée haute, on acceptait beaucoup de Chinois parce qu’on avait besoin de main-d’œuvre. Même si l’on trouvait qu’ils étaient trop nombreux, on leur imposait des coûts d’immigration astronomiques. Les immigrants chinois ont fait l’objet d’une discrimination honteuse. Par contre, alors que les réfugiés de la mer vietnamiens étaient condamnés à l’enfer, nous leur avons ouvert les bras. Depuis deux ans, nous accueillons aussi des milliers d’Ukrainiens.
Depuis la création du Canada, il y a toujours eu des gens qui ont cru que les immigrants étaient trop ou pas assez nombreux. Au Québec, nous avons connu une histoire quelque peu différente. Entre 1840 et 1930, un million de francophones, issus du Québec en grande majorité, ont émigré aux États-Unis, surtout en Nouvelle-Angleterre. Au début, c’étaient des fermiers qui n’arrivaient plus à survivre. Cependant, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, ce sont les Américains qui sont venus chez nous recruter de la main-d’œuvre pour leur industrie textile. Ils avaient besoin de bras.
Cela n’a pas empêché le Ku Klux Klan de s’opposer à cette immigration catholique et francophone. Des milliers de membres du Ku Klux Klan sont allés jusqu’à manifester à Washington, cagoulés et portant des flambeaux, pour protester contre ceux qu’on appelait les « Chinois des États de l’Est ».
Revenons à aujourd’hui. Le gouvernement québécois actuel trouve qu’il y a trop d’immigrants, de demandeurs d’asile, d’étudiants internationaux et trop d’étrangers sur son territoire. Ces nouveaux venus sont, malheureusement, devenus les boucs émissaires de tout ce qui va mal au Québec. Le discours répété et martelé par le gouvernement du Québec et par le Parti québécois à propos des maux de l’immigration m’inquiète profondément.
Risque-t-on ainsi de diminuer l’ouverture des Québécois envers les nouveaux venus? Les immigrants sont-ils vraiment responsables de la crise du logement et du débordement des services sociaux et médicaux, comme on l’entend souvent dire? C’est sans doute un facteur parmi d’autres, mais sûrement pas le seul.
À mon avis, l’utilisation d’arguments identitaires est encore plus dommageable. Les demandeurs d’asile et les immigrants temporaires menaceraient, nous dit-on, la langue française au Québec. Vraiment? On ne peut pas dire que vous la menacez, madame la sénatrice Gerba, avec votre excellent français.
A-t-on des chiffres appuyant cette affirmation? Croit-on vraiment que les milliers de travailleurs temporaires répartis dans les fermes du Québec pour ramasser nos récoltes et qui font partie de la main-d’œuvre agricole menacent notre langue? Parmi les menaces bien plus évidentes chez les jeunes francophones, n’y aurait-il pas en premier lieu l’omniprésence d’Internet dans les médias sociaux et l’existence d’un monde virtuel très anglophone?
Ne vous méprenez pas; je crois qu’une promotion incessante et positive de notre langue s’impose, mais pas sur le dos des nouveaux arrivants, qui vivent déjà dans des conditions de précarité et de déracinement.
Le nationalisme québécois n’a pas toujours été porteur d’un discours clivant sur l’immigration. J’ai encore un souvenir marquant de la main tendue du député péquiste Gérald Godin aux communautés culturelles dans les années 1970. Il allait à leur rencontre; il était inclusif et attentif. Il a influencé la vision du Parti québécois à cette époque.
Soyons réalistes. Au Québec comme ailleurs au Canada, il est évident que nous avons besoin d’immigrants et de travailleurs temporaires. Dans plusieurs petites villes du Québec, ces derniers assurent la survie de certaines entreprises, lancent eux-mêmes de nouveaux commerces et participent à une relance démographique plus que nécessaire.
Ce débat délicat demande du doigté, de la mesure et de la bienveillance, et il en manque cruellement.
Je fais partie de ceux qui croient que le Canada doit demeurer un pays généreux. N’oublions jamais qu’il faut avant tout considérer une Iranienne, une Afghane, une Soudanaise, une Camerounaise ou un Colombien comme un être humain qui souhaite venir s’établir chez nous pour améliorer son sort ou celui de sa famille. Il faut nous poser cette question : que ferions-nous si nous avions une famille et qu’il n’y avait plus d’avenir dans notre pays, soit à cause de la pauvreté, de la désertification ou d’autres conditions intenables?
Cette question devrait être notre boussole dans tout ce débat. Merci encore, sénatrice Gerba. J’aimerais préciser que lorsque vous avez dit que nous avions eu un débat et que nous nous parlions souvent, ce n’était pas au sujet de l’immigration, car nous sommes assez d’accord sur ce point. C’était surtout au sujet de l’utilisation d’une tablette pour prononcer des discours. Parfois, cela joue des tours.
Des voix : Bravo!
L’honorable Marie-Françoise Mégie : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-215, visant à instaurer le Mois national de l’immigration.
Étant moi-même issue de l’immigration, vous comprendrez que ce sujet me touche profondément. Je remercie la sénatrice Gerba d’avoir présenté ce projet de loi qui nous aidera à nous souvenir de notre histoire et de nos origines et à envisager l’avenir avec espoir.
Je vous fais grâce des différents propos véhiculés par les courants populistes actuels contre l’immigration. La sénatrice Gerba a été très éloquente à ce sujet et la sénatrice Miville-Dechêne a dit ce qu’il restait à dire.
Au Canada, les vagues migratoires ont commencé en l’an 1021, à l’endroit appelé aujourd’hui Terre-Neuve-et-Labrador, comme l’a si bien décrit la sénatrice Gerba dans son historique de l’immigration.
(1520)
Plus près de nous, la vague migratoire des Haïtiens s’est déroulée au cours des années 1960 et 1970. Fuyant les crises politiques et économiques en Haïti sous la dictature de Duvalier, ces hommes et femmes sont venus chercher un avenir meilleur. Ils ont apporté une richesse culturelle et des compétences uniques dont le Canada francophone avait besoin à ce moment-là.
Bon nombre de ces réalisations sont documentées dans l’ouvrage publié en 2007, intitulé Ces Québécois venus d’Haïti. Parmi les réalisations notables présentées dans ce livre, nous trouvons entre autres les suivantes. Dans le secteur de la santé : en 1980, la Dre Yvette Bonny a réalisé la première greffe de moelle osseuse chez un enfant et a été une pionnière pour toutes les questions qui touchent la maladie falciforme au Québec. Dans le secteur de l’éducation : le professeur Patrick Paultre a établi le plus grand programme de recherche au Canada sur le comportement des éléments structuraux en béton haute performance sous charge sismique. Dans le secteur du sport : Bruny Surin a participé à de nombreuses compétitions internationales prestigieuses, dont les Jeux olympiques de Séoul en 1988, et a remporté la médaille d’or du 400 mètres en 1996. Il a été chef de mission de l’équipe canadienne pour les Jeux olympiques de 2024 à Paris. Dans le secteur de l’ingénierie : Maxime Dehoux a reçu le prix du mérite de l’Association des ingénieurs-conseils du Canada et de la revue Canadian Consulting Engineer pour sa contribution à la construction de l’Observatoire Canada-France-Hawaï.
Cette liste, bien que non exhaustive, illustre comment ces contributions exceptionnelles continuent d’enrichir notre tissu socioculturel.
Ce livre évoque également mon propre parcours. Arrivée au Canada le 26 novembre 1976, comme de nombreux professionnels immigrants, j’ai dû faire face à la non-reconnaissance de mon diplôme de médecine. Une fois cet obstacle franchi, et après avoir obtenu mon titre de compétence du Conseil médical du Canada en 1981, j’ai pu innover dans les activités de formation continue en développant un programme axé sur les soins médicaux à domicile. Cela a conduit à la rédaction d’un livre sur les soins médicaux à domicile, à la création d’une maison de soins palliatifs pour la communauté lavalloise et à mon engagement dans les activités d’associations médicales.
Aujourd’hui, pour encore moins d’un an, je poursuis mon engagement à servir en votre compagnie au Sénat du Canada.
Est-il nécessaire de consacrer un mois à l’immigration? C’est la question à laquelle nous allons répondre.
Avant d’expliquer pourquoi, permettez-moi de faire un bref rappel de certains termes clés du lexique de l’immigration : migration, immigration, émigration, réfugié et travailleurs temporaires.
Ce sont des termes souvent mal compris et mal interprétés. Selon Statistique Canada, la migration désigne le « déplacement des individus d’une population, accompagné d’un changement de résidence habituelle ». Cette migration peut être intraprovinciale, interprovinciale ou internationale.
L’« immigration » désigne l’entrée de personnes provenant d’un autre pays. De plus, toute personne immigrante a d’abord émigré d’un autre pays.
Un autre terme mérite une attention particulière : celui de « réfugié ». Au sens du droit international, la Convention de Genève de 1951 définit le terme « réfugié » comme une personne qui laisse son pays par crainte fondée d’être persécutée. Cette personne cherche refuge dans un autre pays et elle n’obtient pas la protection de son pays.
Lorsqu’une personne entame une procédure de demande d’asile, elle ne peut pas être qualifiée de « migrant illégal », un terme souvent utilisé à tort dans les débats sur les migrants empruntant le chemin Roxham. Le terme approprié est « migrants en situation irrégulière » ou « migrants irréguliers ».
Enfin, il y a également les « travailleurs étrangers temporaires », recrutés par des entreprises pour pallier la pénurie de main-d’œuvre dans divers secteurs au Canada.
Lors des séances publiques du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui étudiait la question de la main-d’œuvre temporaire et migrante au Canada, plusieurs employeurs ont parlé de la nécessité de recourir à ces travailleurs. Par exemple, dans son mémoire, la Nova Scotia Seafood Alliance a expliqué que, sans les travailleurs temporaires, le principal défi serait de trouver suffisamment de personnes des régions environnantes prêtes à occuper des emplois saisonniers. D’autres entreprises ont confirmé ces propos.
Pour conclure cette partie lexicale de mon discours, gardez bien à l’esprit ces définitions, car elles nous aident à comprendre les enjeux entourant ce projet de loi.
Réfléchissons à présent à l’importance des immigrants dans notre pays. Est-ce véritablement indispensable pour le Canada?
Le 31 juillet 2024, un article du magazine L’actualité, intitulé Population mondiale en déclin, examinait la diminution du taux de natalité à l’échelle mondiale.
L’article précisait que, pour assurer le renouvellement de la population, le seuil nécessaire était de 2,1 enfants par femme. À l’heure actuelle, 54 % des pays, dont le Canada, présentent un taux de fécondité inférieur à ce seuil. Selon les dernières données de 2022 provenant de Statistique Canada, l’indice de fécondité au Canada est de 1,33 enfant par femme.
Cette diminution affecte directement le renouvellement de la population active, c’est-à-dire le nombre d’individus en emploi. La solidité de l’économie canadienne repose en partie sur la taille de cette population active, dont les contributions fiscales sont essentielles pour financer nos services publics.
Par ailleurs, l’évolution de cette population active sera de plus en plus influencée par le vieillissement. D’ici 2030, les personnes âgées de 65 ans et plus représenteront 23 % de la population canadienne, environ le quart, soit plus de 9,5 millions d’individus.
Face à cet état de fait, l’immigration n’est pas seulement une solution, mais une nécessité vitale pour la pérennité de notre économie.
Cependant, il faut reconnaître que l’immigration ne doit pas être perçue uniquement comme un moyen de combler des pénuries de main-d’œuvre. C’est aussi un levier stratégique qui apporte innovation, dynamisme entrepreneurial et diversité culturelle, des éléments essentiels à notre prospérité. Sans l’immigration, notre économie risquerait de stagner, et notre compétitivité sur la scène internationale pourrait en souffrir.
Ce mouvement migratoire n’est pas une particularité canadienne, mais un phénomène mondial. De nombreux pays font face à des réalités démographiques semblables et accueillent de nouvelles populations pour soutenir leur économie.
Honorables sénateurs, pour répondre à la question centrale de savoir si un mois consacré à l’immigration est nécessaire, on peut dire que ce mois serait l’occasion pour chacun de nous de partager sa petite histoire, ses défis, ses triomphes personnels ou collectifs. Il faudrait des activités d’information qui pourraient favoriser la transmission des richesses culturelles, comme la littérature, la musique et même la gastronomie. Les générations futures ne pourront qu’en tirer profit.
Parlant de gastronomie, comme je vous l’ai déjà promis l’année dernière, ce sera pour moi un plaisir de partager avec vous la recette de la « soupe Joumou » un plat emblématique d’Haïti inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.
Pourquoi novembre? Le choix du mois de novembre pour cette reconnaissance n’est pas anodin.
Comme l’a souligné la sénatrice Gerba, il coïncide avec deux événements importants liés à l’immigration : la Semaine nationale de l’immigration francophone et la date de la sanction royale de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
Pour aller de l’avant ensemble, il est essentiel de valoriser les récits personnels et de célébrer la richesse que chacun apporte à notre communauté.
À la suite d’une petite discussion avec la sénatrice Gerba au sujet de ce projet de loi, j’ai retracé dans la Revue parlementaire canadienne le parcours migratoire des familles Riley et McArthur, de l’Alberta.
(1530)
J’ai trouvé que cela ressemblait à des histoires connues. Si vous souhaitez lire cet article, il vous renseignera sur de petites histoires d’immigration réussies. Je trouve que c’est une bonne façon d’illustrer les fondements de ce projet de loi, qui montre que nous sommes tous des immigrants de première, deuxième ou troisième génération. J’espère donc que le projet de loi S-215 obtiendra votre appui et qu’il sera renvoyé en comité pour étude.
[Traduction]
L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi S-215, Loi instituant le Mois national de l’immigration, que ma chère amie la sénatrice Amina Gerba a présenté de nouveau pour la présente législature. Je vous remercie d’ailleurs de cette initiative et de votre implication dans ce dossier.
Chers collègues, je vous remercie de l’occasion qui m’est donnée de vous parler de quelque chose qui m’est tout à fait personnel, mais aussi profondément canadien : la chance d’être immigrant dans le remarquable pays qui est le nôtre. Je ne prends pas seulement la parole aujourd’hui à titre de Canadien, mais aussi en tant que personne qui a choisi ce pays et qui s’est fait choisir par lui. Pour moi, ce choix mutuel a créé un lien solide qui repose sur l’espoir, la responsabilité et un but commun.
Le projet de loi dont nous sommes saisis permettrait de reconnaître officiellement l’immense contribution des immigrants à notre pays tout en faisant réfléchir aux complexités et aux obstacles qui ont façonné l’histoire de l’immigration canadienne. Il nous invite à prendre acte des obstacles que doivent encore surmonter de nombreux immigrants et à souligner la richesse indispensable qu’ils apportent au tissu social, culturel et économique du Canada.
Le projet de loi témoigne des valeurs qui définissent le Canada : la résilience, l’inclusivité et le fait que l’immigration a grandement façonné l’identité de notre pays et contribué à sa prospérité. En instituant le Mois national de l’immigration, nous réaffirmons que la force de notre pays réside dans la diversité et le dynamisme que les immigrants apportent à la collectivité.
Mon propre parcours vers le Canada en 1984, en provenance du Zimbabwe, anciennement la Rhodésie, a été marqué par les dures réalités de l’instabilité politique et des tensions raciales et tribales. Pour moi et pour beaucoup d’autres, l’immigration était la voie de l’espoir et d’un nouveau départ.
Cependant, le parcours des immigrants n’est pas toujours facile. Les immigrants doivent souvent accepter que leurs titres de compétences ne sont pas reconnus au Canada, attendre pour voir leurs rêves se réaliser et affronter les émotions qui viennent avec le fait d’avoir laissé derrière eux famille et amis. Ce sont des moments de solitude, de doute, où ils se demandent si leurs sacrifices en valaient la peine. Cependant, ces difficultés sont aussi une source de force. Elles enseignent aux immigrants la flexibilité et l’humilité. De nombreux immigrants, qui ont vécu sans sécurité, sans soins de santé, sans liberté ni débouchés, ne tiennent jamais ces choses pour acquises. À leur arrivée ici, ils se battent donc pour protéger ces éléments phares, ces fondements, de la société canadienne. Ils veulent absolument contribuer à cette société afin de lui exprimer leur reconnaissance.
Pour avoir exercé la médecine familiale dans un milieu rural — plus précisément à Twillingate, à Terre-Neuve-et-Labrador —, j’ai constaté personnellement à quel point les immigrants sont essentiels à la pérennité et à la transformation des villes et des villages. Quand je suis arrivé, cette localité généreuse et bienveillante a reçu favorablement mes compétences, et j’ai été accueilli avec chaleur et gratitude. C’est ce sentiment d’appartenance qui m’a amené à y faire ma vie. Je serai toujours reconnaissant à mes concitoyens d’avoir façonné mes idées et mes idéaux et d’avoir inscrit en moi les valeurs téneliennes d’altruisme et de bienveillance. Terre-Neuve-et-Labrador, avec ses vastes paysages isolés, a toujours connu son lot de difficultés économiques et démographiques. Pour surmonter celles-ci, les immigrants ont joué et continuent de jouer un rôle déterminant. Ils remplissent des fonctions essentielles, entre autres à titre de fournisseurs de soins de santé, d’universitaires, d’entrepreneurs et de travailleurs dans des secteurs primordiaux comme l’agriculture et les pêches.
Historiquement, la province a été bâtie par des vagues successives d’immigrants : les Scandinaves à L’Anse aux Meadows, sur la péninsule Great Northern, les colons irlandais, anglais et français qui ont bâti des hameaux de pêche prospères et la communauté morave, ont tous laissé leur marque au Labrador. Les immigrants d’aujourd’hui ont repris le flambeau; ils revitalisent les lieux en décroissance démographique et ils contribuent au dynamisme culturel et économique de ma province.
La courtepointe culturelle de ma province continue de s’étendre et de s’enrichir. Dernièrement, ma province a reconnu l’importance persistante de l’immigration en adoptant, en 2022, sa stratégie de croissance de la population, qui cherche à attirer des nouveaux venus dans le but de remédier aux pénuries de main-d’œuvre et de favoriser la croissance économique. Elle vise à attirer de façon durable 5 100 nouveaux arrivants par année d’ici 2026. Elle est surtout axée sur les travailleurs qualifiés, les étudiants étrangers et les entrepreneurs et mise sur le fait qu’ils s’établiront de façon permanente dans la province.
L’immigration est essentielle pour l’avenir du Canada, mais il ne faut pas pour autant reléguer aux oubliettes les aspects les plus épineux de l’histoire de l’immigration canadienne, notamment la taxe d’entrée imposée aux Chinois et l’exclusion des réfugiés juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Ces faits nous rappellent de façon douloureuse que le système d’immigration du Canada n’a pas toujours respecté l’idéal de l’inclusivité. Il ne faut surtout pas oublier ces exemples. Au contraire, ils doivent nous inciter à ne pas répéter les erreurs du passé.
Le projet de loi S-215 est important parce qu’il permet toujours de reconnaître que les immigrants ont beaucoup apporté au Canada et il invite l’ensemble de la population à réfléchir à l’importance historique et culturelle générale de l’immigration. Le Mois national de l’immigration nous donnera l’occasion de faire ressortir les aspects positifs et difficiles de l’immigration ainsi que les avantages qui en ont découlé au fil des ans.
J’appuie avec fierté ce projet de loi pour que l’on continue pendant longtemps de célébrer les récits et l’apport des immigrants.
Chers collègues, permettez-moi de conclure en citant Son Excellence l’ancienne gouverneure générale Adrienne Clarkson, dans son discours d’intronisation en 1999 :
Comme l’a écrit John Ralston Saul, « la qualité première de l’État canadien est sa complexité ». C’est une force, et non une faiblesse, que nous soyons une expérience toujours incomplète basée sur une fondation triangulaire autochtone, francophone et anglophone.
Elle poursuit ainsi :
C’est une expérience de longue date, certes, c’est complexe et, globalement, c’est en grande partie réussi. À travers vents et marées, nous avons poursuivi la création d’une civilisation canadienne.
Elle ajoute :
On dirait qu’il y a deux types de société dans le monde de nos jours. Peut-être qu’il n’y en a toujours eu que deux: les sociétés qui punissent et les sociétés qui pardonnent. Une société comme la canadienne, avec ses quatre siècles où chacun y met du sien, accepte le compromis et reconnaît l’erreur et sa correction, est fondamentalement une société qui pardonne. Nous tentons, nous devons tenter, de pardonner ce qui est passé.
Merci. Meegwetch.
(Sur la motion de la sénatrice Ataullahjan, le débat est ajourné.)
Les travaux du Sénat
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-13(2) du Règlement, je propose :
Que la séance soit maintenant levée.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(À 15 h 40, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 10 juin 2025, à 14 heures.)